vendredi 2 novembre 2012

L'ATOLL DES TUAMOTU (SUITE)



       L'idiot, toujours remue le bout de ses doigts ... En arrière .... En avant ... Il se balance.

      Sous l'arbre, les ombres sont mauves et violettes. Un filet de nylon bleu pend à une branche. Pas un souffle de vent. 

      Ne pas porter le regard sur tout ce corail blanc ... Ou bien, très vite, fermer les yeux. 

                                 *

                                  


        La goélette est venue, l'autre semaine ... Elle reviendra. Il y a du riz dans la réserve, du boeuf en boîte et de l'huile. La bière, il n'y en a plus : On la boit le soir même du débarquement ... Pour donner de la saveur au temps ... À  même le goulot. 

      Avant l'aube, sous les étoiles, les bouteilles vides s'en vont en farandoles, doucement, doucement, portées par les courants.

                                  *

      L'idiot ? - Il a toujours été là.

      La mer est une bassine à friture. Elle rissole au soleil, grésille d'argent, comme de millions d'anchois frétillant ... 

       La pirogue sur le sable, grand insecte, demeure immobile. Le chien dort en-dessous. 

       Une année ... Certaine saison, un cyclone est passé, emportant les tôles ...

                                     *

        C'est toujours le père qui, le premier, aperçoit le bateau quand il arrive ... Bien avant que le haut du mât ne pointe à l'horizon. On dirait qu'il le sent, qu'il le devine ...

         Quand on aura porté le père au cimetière, derrière le muret blanc, ce sera son fils ... Il y a toujours un fils ... De quelque façon. C'est lui qui devient le père. Il annonce l'arrivée des bateaux.

         Deux oiseaux blancs volent en formation, reliés entre eux par quel insondable mystère ? ... Ensemble, ils montent ... Ensemble, ils virent sur une aile, la même ... Ils redescendront au même instant.

          Les poissons, invisibles, s'engagent sans doute dans les labyrinthes des pièges et des parcs ... Sans violence aucune ...

           Une raie saute dans la passe, puis l'univers redevient absolument lisse.

                                  *

       Le dimanche, on va tous à l'église : Femmes avec des chapeaux tressés blancs, hommes en chemises et pantalons ...Le prêtre ne sera pas là ... Peut-être viendra-t-il par un prochain bateau ?


                                  

        L'ombre tourne sous l'arbre. L'idiot est toujours sous l'auvent, accroupi ... Et toujours il se balance ... Il chantonne vraiment, cette fois : Sa mélopée se mêle à la voix du récif ...

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